Conférence de Catherine Dumonteil Kremer : le compte rendu

COMPTE-RENDU DE LA CONFERENCE DU 14 DECEMBRE 2012

POSER DES LIMITES A SON ENFANT ET LE RESPECTER

PAR CATHERINE DUMONTEIL-KREMER

Le 14 décembre 2012, une soixantaine de personnes s’est rassemblée autour de Catherine Dumonteil-Kremer au centre Créanto de Créhange à l’occasion d’une conférence organisée par l’association Etre Parents Naturellement. Poser des limites à son enfant tout en le respectant, tel était le thème.

Catherine Dumonteil-Kremer nous a proposé diverses pistes à explorer, orientées selon cinq grands axes; changer de regard sur l’enfance, se préparer à la pose de limites, anticiper les situations à risque, trouver des solutions alternatives, et enfin en finir avec la culpabilité.

Educatrice Montessori, conférencière et formatrice, Catherine Dumonteil-Kremer a notamment crée le groupe de soutien à la parentalité Parents Conscients, et écrit cinq ouvrages dont Elever son enfant autrement. Elle accompagne depuis vingt ans les parents dans leur remise en question en proposant des alternatives à la violence éducative.

Changer de regard sur l’enfance

Il importe tout d’abord de savoir que l’enfant est naturellement bon. Un enfant de 2 ans est spontanément capable d’empathie et viendra en aide à un adulte en difficulté. Il est donc important de le protéger et non d’essayer de le changer.

L’enfant a besoin d’une ou plusieurs figures d’attachement (sa mère en général, mais aussi toute autre personne s’occupant beaucoup de lui) qui le rassure et lui permet d’explorer le monde sereinement. L’enfant voue une grande confiance en ses parents. Assouvir ses besoin affectifs (écoute, portage, co-dodo, massage…), être présent, lui procure une grande sécurité et lui démontre qu’il peut compter sur eux quels que soient ses sentiments. S’il sait que sa figure d’attachement est présente et bienveillante, l’enfant osera faire ses expériences, prendre confiance en ses capacités et gagner en autonomie.

Il convient aussi d’abandonner l’idée que l’enfant fait des bêtises ou des caprices. Ces « bêtises » sont un moyen de s’exprimer, d’alerter sa figure d’attachement de ses besoins.  Attendre d’un enfant de ne pas bouger ni explorer le monde est illusoire, car il s’agit d’un besoin vital, d’un travail formateur et nécessaire à son développement. Un enfant est actif par nature. Il est en plein travail
d’exploration, avide de découvertes, et ne commet que maladresses ou appels au secours.  Si ces explorations ne nous plaisent pas toujours, il ne s’agit en aucun cas d’une provocation mais plutôt de l’expérimentation du fonctionnement du monde et des réactions humaines. A charge pour nous, adultes et parents, de lui expliquer et de lui faire prendre conscience des choses.

 Enfin, attendre de son enfant le meilleur, lui faire confiance est fondamental dans la mesure où cela contribue à la fois à le « conditionner » positivement, à la fois  à assoir son assurance. En effet, l’enfant est doté de beaucoup d’aptitudes, notamment pour ce qui est de trouver par lui-même des solutions aux divers problèmes et conflits auxquels il peut être confronté. Le laisser expérimenter, tenter, tester,  ne pas tout anticiper à sa place lui laisse cette opportunité et lui permet par la même occasion de renforcer sa confiance en lui.

Préparer le terrain

Quel parent ai-je envie d’être pour mon enfant ? Quel adulte voudrais-je qu’il devienne ? Où trouver du soutien (famille, amis…)? Se poser, prendre le temps d’apporter des réponses à ces questions est indispensable. S’il est souvent douloureux de replonger dans notre propre enfance,  se retourner sur notre histoire personnelle est néanmoins nécessaire pour identifier nos propres valeurs et prendre suffisamment confiance en nous pour suivre les directions que nous nous sommes fixées.

Prendre soin de soi permet de puiser suffisamment de ressources pour pouvoir prendre soin des autres. Nul n’est une source intarissable de patience. Ne pas laisser la fatigue nous envahir, se reposer dés que nécessaire, exprimer nos sentiments et besoins, vivre nos projets, baisser nos standards d’hygiène , apprendre à accepter l’imperfection, s’organiser différemment, répartir les tâches…. et solliciter une aide extérieure lorsque le besoin se fait sentir.

Il importe aussi d’oublier l’idée de contrôle exercé sur l’enfant, car celui-ci passe toute son énergie à le contrer. De plus, le surprotéger ou trop le diriger est étouffant dans la mesure où cela l’empêche de vivre ses propres expériences, d’apprendre à se connaître et donc de s’affirmer et de s’épanouir

Une éducation autoritaire permet souvent d’obtenir de l’enfant ce que l’on souhaite, mais elle anéantit le plaisir d’agir et rend l’enfant accro à la récompense. Une éducation plus respectueuse des besoins de l’enfant apporte du plaisir à l’enfant et au parent. L’enfant apprend à résoudre des problèmes par lui-même, à faire des choix tout seul. Le parent y gagne en sérénité, l’enfant en confiance.

Afin de laisser s’exprimer le besoin inexorable d’exploration de notre enfant, il convient de faire appel à notre bon sens pratique ; poser des défis à sa portée, en adéquation avec son âge, adapter et sécuriser l’environnement (mettre hors de portée les objets auxquels nous tenons le plus par exemple), lui montrer les gestes qu’il désire apprendre plutôt que le décourager….

Dans la mesure où l’enfant imite le parent, adapter notre comportement et montrer l’exemple s’inscrit dans cette logique. En effet, l’enfant s’imprègne naturellement de toutes les règles, émotions et habitudes qui l’entourent et font son quotidien. S’il nous voit nous laver les mains systématiquement avant de passer à table par exemple, il agira de même par simple imitation.

Anticiper les situations à risque

En tout premier lieu, établir une liste de limites non négociables s’impose. Il s’agit de communiquer, d’identifier, de verbaliser et d’expliquer les choses. Les enfants sont très sensibles aux mots, bien avant l’acquisition du langage. Chaque famille fonctionnant différemment, l’enfant s’adaptera au mode de vie, au rythme et aux règles en vigueur dans sa famille propre.

Faire de la prévention, donner des autorisations plutôt que des interdictions, limiter ces dernières sont de bonnes pistes.

Afin de renforcer la confiance mutuelle et de mieux se comprendre, il est utile de prêter attention aux centres d’intérêt de l’enfant, de se poser avec lui pour parler, écouter, échanger, communiquer, l’aider dans ses projets, lui consacrer un temps individuel.

Se mettre dans un état d’esprit positif et cultiver la joie de vivre en famille permet d’éviter de nombreux conflits dans la mesure où nos émotions et sentiments, quels qu’ils soient, sont contagieux. Tension, agacement, colère, bonheur, l’enfant les capte telle une éponge. Notre comportement, notre regard sur une situation vont faire réagir l’enfant en conséquence. De même, idées positives et créativité ont un pouvoir de contagion sur nos enfants. Quand il y a de la joie, il n’y a plus de problème de limites.

Il faut aussi être particulièrement attentif et vigilent aux situations à risque, aux moments critiques de la journée (matin et soir en général) où il y a beaucoup d’objectifs à atteindre dans un temps limité; bain, repas… Dans ce cas-là, il est bénéfique de se préparer et de s’organiser à l’avance.

Alternatives à la violence éducative

Lorsque nous sommes en colère, pourquoi ne pas s’isoler pour crier, piétiner un coussin, se regarder dans un miroir ? Se calmer soi-même avant de gérer un conflit est la première chose à faire, car cela peut permettre d’éviter un éventuel dérapage.

Quand l’enfant dysfonctionne, il importe tout d’abord d’observer la situation de l’extérieur : Qu’est-ce qui ne va pas ? De quoi a-t-il besoin (attention, présence des parents, manger, jouer…) ? A-t-il vécu des moments difficiles ces derniers temps (rentrée scolaire, déménagement….) ?

Proposer une activité alternative pour détourner l’enfant est une solution souvent très satisfaisante. Il s’agit de tenter de lui substituer un autre centre d’intérêt, de faire preuve de créativité.

Le rire est salvateur ; l’amener par des jeux de rôles (inverser les rôles parents-enfants par exemple), parties de cache-cache, jeux tactiles… désamorce nombre de conflits.

Cependant, si toutes ces tentatives restent infructueuses, il faut empêcher physiquement l’enfant d’agir, avec douceur mais fermeté. S’il entre en crise de rage, il faut lui permettre d’évacuer les tensions au calme, en s’isolant des autres, en sécurité avec sa ou ses personnes de référence. Surtout, il ne faut pas le laisser seul, en proie à des émotions qui le dépassent et le terrifient. Au contraire, il importe  d’« écouter », d’accueillir toutes les manifestations de sa frustration, de le laisser s’exprimer pleinement.

En cas de danger, si sa sécurité est en jeu (pour l’empêcher de traverser la route de manière impromptue par exemple), l’usage de la force sans violence peut s’avérer nécessaire et indispensable.

En finir avec la culpabilité

Dans notre rôle de parent, on a tendance à faire des choses que l’on ne souhaite pas forcément, on se souvient de notre vie d’enfant et on reproduit facilement le même schéma éducatif. On ne naît pas parents, on le devient….Les ainés nous apprennent à devenir parents.

S’excuser auprès de notre enfant si l’on a mal géré la situation est la première étape indispensable pour en finir avec la culpabilité. Nul n’est infaillible, l’enfant peut en faire l’expérience et peut le comprendre aisément.

Dans un second temps, il est important de rétablir la confiance en trouvant un moyen de réparer les choses.

Il s’agit enfin de reconnaître nos erreurs sans nous justifier, tout en veillant à ne pas se victimiser, mais plutôt à se reprendre en main. En effet, la culpabilité aide à progresser dans notre rôle de parent à condition de ne pas s’y enraciner.

En définitive, il apparaît que notre enfance se réveille et ressurgit au contact de notre enfant. Fatigue, manque de soutien… les vieux schémas refont très vite surface.

Il est difficile d’être parent, c’est un processus, on devient parent. Poser des limites respectueuses requiert une grande remise en question ainsi qu’une détermination à procéder autrement.

Faire en sorte d’instaurer une relation de confiance avec son enfant s’avère fondamental, et offre une excellente base pour aborder sereinement, plus tard, son adolescence.

Car il est indéniable qu’aucun enfant ne résiste à l’amour qu’on lui porte et qu’on lui montre.

Liens

- L'atelier des parents (Faber et Mazlish en France) http://www.legrandatelierdesparents.fr/

- Élever son enfant autrement ( le blog de Catherine Dumonteil Kremer ) http://www.cdumonteilkremer.com/

- Sans fessée, comment faire http://www.wmaker.net/maisonenfant/Un-document-pour-aider-les-parents_a180.html

Groupe de paroles sur internet

-Parents conscients  http://fr.groups.yahoo.com/group/Parents_conscients/?tab=s

Bibliographie

- Parents épanouis, enfants épanouis, Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent , Jalousies et rivalités entre frères et soeurs - Faber et Mazlish (éd. Relations plus)

- Au cœur des émotions de l'enfant - Isabelle Filliozat (éd. Marabout)

- Éduquer sans punir - Thomas Gordon (éd. de l'Homme)

-Poser des limites à son enfant et le  respecter  -Catherine Dumonteil Kremer (éd Jouvence)

-Éduquer sans punition ni récompenses -Jean Philippe Faure (éd Jouvence)

-Jouons ensemble ... autrement : Améliorer nos relations par le jeu - Catherine Dumonteil-Kremer  (La Plage)

Livres pour enfants

-Silence la violence - Sylvie Girardet, Fernando Puig Rosado (éd Hatier)

- Le Non - Claude Ponti (éd L'Ecole des loisirs)

- Monsieur Non - Roger Hargreaves Evelyne Lallemand (éd Hachette Jeunesse )

- Quelle émotion Cécile Gabriel (éd Mila éditions )

- Je t'aimerai toujours, quoi qu'il arrive... - Debi Gliori, Marie france Floury (éd Gautier-languereau )

-Non, non et non ! -Mireille d'Allancé  ( éd L'École des Loisirs )

-Grosse Colère -Mireille d'Allancé  ( éd L'École des Loisirs )